Qu’est ce qu’un crédit carbone en agriculture ?

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Qu’est ce qu’un crédit carbone en agriculture ?

Un crédit carbone constitue une unité de mesure équivalent à une tonne de CO2. Ainsi 1 tonne de CO2 stockée = 1 crédit carbone.
Or l’agriculture dite régénératrice peut générer des crédits carbone, car elle permet de stocker du carbone durablement dans les sols ou d'éviter des émissions. Ainsi une entreprise qui achète des crédits carbone agricoles soutient la transition vers une agriculture durable et vertueuse pour l'environnement.

Crédit carbone agricole : comment ça marche ? 🧐

On a dit qu'un crédit carbone est une unité de mesure équivalent à une tonne de CO2. Mais du coup comment mesure-t-on une tonne de CO2 ? Après tout, le CO2 est un gaz composé de Carbone et d'Oxygène !

Il s'avère que certaines méthodes scientifiques permettent de quantifier le coût en CO2 de la production d'un bien : par exemple, le coût de production d'une voiture thermique est de 3,74 tonnes de CO2 tep.

Mais en tant que gaz carbonique, le CO2 est également soumis au cycle du carbone : si tous les jours du gaz est émis dans l'atmosphère, une bonne partie est re-capturée et emmagasinée dans les quatre grands réservoirs naturels de carbone de la planète (atmosphère, biosphère, hydrosphère et lithosphère). On les appelle des puits de carbone naturels, et l'on peut également mesurer la quantité de CO2 capturée par ces mécanismes tous les ans.

En agriculture, le sol peut être volontairement transformé en puit de carbone via l’application de certains procédés agronomiques regroupés sous le terme d’agriculture régénératrice.  

Concrètement cela passe par la mise en place par l'exploitant de certains leviers, qui diffèrent évidemment en fonction du type d’exploitation (blé, élevage, maraîchage…).

Parmi les plus efficaces on retrouve : ne pas laisser les sols nus, planter des haies, utiliser le fumier issus de l’élevage, éviter les labours, favoriser la culture des légumineuses… afin de diminuer les émissions de l’exploitation, et stocker du carbone dans les sols grâce à la photosynthèse.

🗂 Pour rappel :

Crédit Carbone : Unité qui voit le jour dans le cadre du protocole de Kyoto de 1997.  Émission d’une tonne d’équivalent dioxyde de carbone, mise sur le marché du carbone. Synonyme : Unité de réduction certifiée des émissions, URCE, quota-carbone

Agriculture régénératrice : nom féminin. Philosophie de la production agricole qui encourage aux méthodes de culture et d’élevage raisonnées afin d’inverser le changement climatique par la régénération de la biodiversité et des sols. Synonyme : agriculture régénérative, agriculture de conservation des sols

Ainsi l’agriculture européenne bénéficie d’un potentiel de séquestration carbone très important, et par conséquent d’une marge de croissance considérable sur le marché des crédits carbone.

Aujourd’hui 23% des émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropiques proviennent de l’agriculture, alors que si on augmentait le stock de carbone de 0.04% chaque année grâce à l’agriculture régénératrice on pourrait stopper l’augmentation annuelle de CO2 dans l’atmosphère.

Dans le même temps, 0,1% des crédits carbone mondiaux concernent le secteur agricole : le reste concerne des projets de reforestation, de protection des océans... 

Transformer les efforts écologiques des agriculteurs en crédits carbone, c’est donc donner à ces derniers la possibilité de trouver des sources de financement alternatifs pour leur transition environnementale via la compensation carbone volontaire.

Pourquoi compenser ? 🤨

Le réchauffement climatique est directement lié à l’utilisation abondante de ressources fossiles par l’Homme, entraînant une rupture du cycle du carbone. La conséquence directe est un excédent de carbone dans l’atmosphère (de l’ordre de 900.000.000.000 tonnes de CO2).

Pour éviter les conséquences dramatiques du changement climatique, il est donc indispensable que chaque entreprise ou collectivité:

  1. Mesure ses émissions annuelles via un bilan carbone.
  2. Réduise le plus possible son empreinte carbone.
  3. Finance des projets de stockage carbone équivalent à ses émissions inévitable : c’est le principe de la compensation carbone volontaire.

Les entreprises impliquées dans une trajectoire bas-carbone certifiée peuvent contribuer à la neutralité carbone planétaire en finançant des puits de carbone naturels.

Le système de la compensation carbone volontaire des émissions de CO2 inévitables permet donc le financement de solutions de réduction et de séquestration de GES. C’est évidemment une source de financement alternative pour des projets de mitigation du réchauffement climatique, dont le BCG estime qu’il devrait s’élever à 3500 milliards de dollars par an, contre 600 milliards actuellement.

Les agriculteurs peuvent-ils être payés pour du crédit carbone ?  💸

On dit d’un agriculteur qui passe d’un mode de production intensif à un mode de production vertueux pour la planète qu’il fait sa transition agro-écologique.

Ce faisant, l’agriculteur rend un certain nombre de services écosystémiques à la Nature, à son territoire, voire à l’intégralité de l’Humanité : il stocke du carbone, protège la biodiversité, permet la conservation d’immenses quantités d’eau, régénère les sols …

Ces services peuvent être transformés en crédits carbone par des États ou des organismes de certification agréés (Verra, Gold Standard…).

Et ces crédits peuvent être, vous l’avez compris, revendus à des entreprises engagées dans une démarche de compensation de leurs émissions résiduelles. Ces dernières pourront donc participer à la transition agro-écologique, et à l’objectif de neutralité carbone globale.

Il est important de noter que la mise en place d’une agriculture régénératrice peut s’avérer coûteuse pour l’agriculteur en fonction des leviers mis en place : cela nécessite parfois l’achat de nouveau matériel, l’adaptation des bâtiments, la diminution des intrants et engrais… C'est pourquoi un coup de pouce financier sous la forme de crédits carbone peut s'avérer déterminant.

Pour imager, une exploitation agricole est comparable à un gros paquebot. Si l’on veut faire demi-tour et passer d’une agriculture conventionnelle à une agriculture plus raisonnée ne se fera évidemment pas d’un coup de baguette magique. Il faut calculer la meilleure façon de le faire, penser aux conséquences et aux coûts de ce choix, et surtout le faire avec patience et rigueur.

La transition vers l’agriculture régénératrice se fait au fil des saisons, et les puits de carbone n’apparaissent pas du jour au lendemain.

Comment être un agriculteur éligible aux crédits carbone ? 👩🏼🌾

Pour pouvoir bénéficier du financement par le système des crédits carbones, un agriculteur doit d’abord prouver les bénéfices environnementaux de son action en comparaison à un scénario de référence où il n’aurait pas changé ses pratiques.

Un projet de crédit carbone agricole doit donc répondre à 4 critères :

  • l’additionnalité : le projet ne pourrait se faire sans le soutien financier des entreprises
  • la mesurabilité : il doit être possible de calculer la quantité de CO2 évitée/séquestrée
  • la vérifiabilité : le projet doit être suivis et transparent tout au long de son engagement
  • la permanence : l’évitement et la séquestration doivent durer au moins 7 ans

Pour cela il doit d’abord réaliser le bilan carbone de son exploitation, avant d’appliquer un certain nombre de leviers qui sont en fait des méthodologies agronomiques certifiées.

Durant toute cette démarche il est accompagné par des porteurs de projets (coopératives agricoles, chambres d'agriculteurs, associations...) chargés du montage technique du projet et de l'accompagnement quotidien des agriculteurs, ainsi que par des mandataires de projets en charge des démarches administratives liées à la labellisation des projets. 

Un cahier des charges est transmis au porteur de projet par l’organisme certificateur, qui aura à charge de veiller à son application sur le terrain. L'organisme de certification pourra procéder à plusieurs inspections avant la labellisation effective des projets.

Que contiennent les cahiers des charges ? Plusieurs méthodes de stockage de carbone ou de réduction de l’empreinte carbone d’une exploitation dont l'efficacité a été validée.

Ainsi, en grandes cultures 🌾, les leviers mis en place sont par exemple supprimer le labour, réduire les apports d’engrais et d’intrants (sans obligatoirement passer à l’agriculture biologique), mettre en place des intercultures, planter des haies…

Pour les élevages bovins 🐄, les leviers sont plutôt portés sur l’alimentation du troupeau, la gestion des déjections, les couverts végétaux en prairie, la mise en place d'un pâturage tournant dynamique...  

Par exemple pour le Label Bas Carbone, le label du Ministère de la Transition Ecologique, 6 méthodes agricoles sont pour le moment approuvés :

  • Carbon Agri : développée par l’IDELE, pour l’élevage bovin 🐄
  • Grandes cultures : développée par un consortium autour d’Arvalis pour les céréales (blé, orge, maïs…), les oléagineux (tournesol, colza, soja…) et les protéagineux (pois, féveroles…)🌾
  • Plantation de vergers : développée par la Compagnie des Amandes, pour les vergers 🍎
  • Haies : développée par la Chambre régionale d’agriculture de Pays de la Loire, pour la gestion durable des haies sur tout types d’exploitations 🌳
  • Gestion des intrants : développée par SOBAC, pour la réduction des intrants dans toutes les exploitations 🚿
  • Fermentation entérique des bovins lait : développée par Bleu-Blanc-Coeur, pour réductions d’émissions permises par l’ajout d’oméga 3 dans la ration, en grande partie par le pâturage 🧪

Combien rapporte le crédit carbone en agriculture ? 💰

En France, un agriculteur gagne en moyenne 40€ par tonne de carbone vendues ; À l'international, une tonne de carbone vaut en moyenne 10€.

De cette manière, en fonction du type d’exploitation et des leviers mis en place, un agriculteur peut espérer un gain de 0,5 à 1,5 crédits carbone par hectare et par an.

Notons également que le prix varie en fonction de certains facteurs :

- la localisation : un projet en France, qui est traçable et certifié, coûte plus cher qu’un projet hasardeux à l’autre bout du monde 📍

- le type de certification

- le type d’activité : il revient plus cher de mettre en place une agriculture régénérative que de planter des arbres 🌳

- Les co-bénéfices impliqués, le nombre d’acteurs sollicités et bien-sûr le volume de crédit carbone achetés 🧾

Comment vendre des crédits carbone en agriculture ? 🤓

Avant la vente d’un crédit carbone en agriculture, le projet suit un processus au préalable :

Pour résumer :

1. On réfléchit : comment mettre en place des puits de carbone de façon durable et régénérative ? 🧠

2. On agit : mise en place concrète du projet au travers de différentes actions (plantation de haies ou d’arbres, diminution des intrants en agriculture...) 🚜

3. On certifie : on prouve que la démarche à du sens et des co-bénéfices, sur le long terme 📋

Réfléchir + Agir + Certifier = 3 processus qui ont un prix, auxquels se soustrait les revenus liés aux co-bénéfices des actions misent en place.

En outre, il faut ajouter au processus la marge que prend l’acteur de la mise en place du projet.

Pour vendre ses crédits carbone, un agriculteur doit passer par un porteur de projet c’est-à-dire un organisme qui agrège plusieurs agriculteurs inscrits dans une même démarche bas carbone.

Cet organisme mandataire va alors accompagner les producteurs dans la mise en place et dans la valorisation des bonnes pratiques : il aide à la gestion administrative, au soutien logistique, fournit des conseils de certification par mutualisation, aide à la communication et à la négociation avec les acheteurs…

Afin de rapprocher monde agricole et monde de l’entreprise, et pour faciliter la relation porteurs de projet - financeur, il existe des entreprises dédiées, comme AGOTERRA.

Combien de crédits carbone rapporte 1 hectare ? 🌱

Quelques chiffres :

  • En grande culture, on estime que la moyenne de stockage est de 1 tonnes par hectare et par an 🌾
  • En prairies, on estime que l’on peut stocker entre 800 et 2700 kg de CO2 par hectare et par an dans les 30 premières années 🐄
  • On estime que 1 km de haie peut stocker entre 500 et 900 kg de CO2 par an 🌳

Bien sûr, cela varie du type de sol, du type de culture ou d’élevage, des conditions climatiques du moment, des moyens mis en œuvre…

Ainsi une méthode agronomique centrée sur la revitalisation des sols via l'application d'un biostimulant naturel a récemment été proposée par Gaiago et AGOTERRA En cours de certification par Gold Standard, cette méthode va permettre d'augmenter significativement le stock de carbone "séquestré" dans les sols de l'ordre de 3tCO2eq/an/ha en plus de contribuer à des co-bénéfices mesurables (biodiversité, rétention d'eau, baisse des intrants, ect).

La tonne de CO2 étant en moyenne à 40 euros, un agriculteur avec 100 hectares de grande culture pourra espérer recevoir 4000 euros.

Comment acheter des crédits carbone ? 🤔

La condition sine qua non à l’achat de crédits carbone par une entreprise est évidemment la mise en place préalable d’une stratégie bas carbone de long terme : mesure, réduction, évitement.

L’entreprise ou la collectivité concernée peut ensuite se tourner vers des courtiers ou des entreprises spécialisées dans la vente de crédits carbone agricoles pour compenser leurs émissions de carbone résiduelles ou inévitables.

Ces dernières seront garantes de la qualité et de l’aboutissement des projets, mais peuvent également s’impliquer dans le processus de communication des entreprises ainsi que dans l’engagement de leurs collaborateurs.

Ainsi AGOTERRA recense près de 1200 agriculteurs dans toute la France, et a pour mission de  fournir à des entreprises des projets de compensation de proximité en transformant les sols agricoles français en puits de carbone et en sanctuaires pour la biodiversité.

Comment obtenir le label bas carbone ? 🏷

Pour obtenir le label bas carbone, il faut répondre à un cahier des charges préconisant certaines pratiques et méthodes en fonction du secteur : forêt, agriculture, transport, bâtiment, déchets, etc.

Le Label Bas-Carbone, délivré par le Ministère de la Transition Ecologique, permet de certifier des projets à la fois de réduction et de séquestration des  gaz à effet de serre, porteurs de co-bénéfices. Il permet ensuite une valorisation économique par la vente de crédit carbone.

L’objectif est de répondre à la demande du marché de contribution carbone volontaire français.

En agriculture, le Label Bas Carbone exige d’abord un diagnostic, puis une étude du projet en fonction de l’exploitation, et une mise en œuvre concrète du projet avant de pouvoir obtenir des crédits carbone et les vendre.

Si l’on prend l’exemple des grandes cultures, les leviers requis peuvent être divisé en 4 parties :

  1. Fertilisation :
  • Réduction de la dose d’azote minérale apportée
  • Introduction de légumineuse dans les rotations
  • Chaulage des sols acides
  • Utilisation d’inhibiteurs de nitrification
  • Réduction de la volatilisation d’azote
  1. Carburant :
  • Réduire la consommation de carburant des engins
  • Réduire la consommation de carburant des moteurs thermiques utilisés pour l’irrigation
  1. Énergie fossile :
  • Réduire la consommation d'énergie fossile sur l’exploitation
  1. Stockage de carbone dans les sols
  • Augmenter la production de biomasse des couverts
  • Augmenter les apports organiques

Financement 💵

Aujourd’hui, il n’existe aucune subvention directe pour soutenir les agriculteurs dans leur engagement. Face à cela, deux solutions :

  1. L’agriculteur est soutenu financièrement dès le début de son projet par une entreprise ou collectivité
  2. L’agriculteur fait appel à “bon diagnostic carbone”, mis en place par le Ministère de l’Agriculture dans le cadre du plan France Relance. Il accompagne les agriculteurs installés depuis moins de 5 ans en finançant 90% du diagnostic carbone d’une exploitation, qui est la première étape d'une démarche d'agro-écologie.

SOURCES :

  • https://www.euractiv.fr/section/agriculture-alimentation/news/agriculture-le-stockage-du-carbone-au-menu-dune-reunion-des-ministres-europeens/
  • https://www.polytechnique-insights.com/dossiers/planete/quelles-sont-les-pistes-pour-reduire-les-emissions-de-lagriculture/comment-reduire-les-emissions-de-ges-dans-lagriculture/
  • https://www.entraid.com/articles/vente-credits-carbone-revenus-agriculteur
  • https://blog.spotifarm.fr/tour-de-plaine-spotifarm/label-bas-carbone-quels-revenus-pour-les-agriculteurs
  • https://www.pleinchamp.com/actualite/comment-stimuler-le-marche-des-credits-carbone-made-in-france
  • https://www.terra.bzh/remuneration-des-pratiques-bas-carbone-grace-aux-credits-carbone-cest-parti
  • https://climate.selectra.com/fr/empreinte-carbone/compensation
  • https://acrobat.adobe.com/link/review?uri=urn:aaid:scds:US:799d9d77-fa20-319a-abe4-e7547dfbac5f
  • https://www.aladin.farm/article/label-bas-carbone-en-agriculture-10-points-a-retenir
  • https://www.agriculteur-normand.com/le-stockage-du-carbone-une-specificite-agricole
  • https://www.youtube.com/watch?v=QMrAhCYNpO8
  • https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/propositions/neutralite-carbone-un-defi-global-pour-une-plus-grande
  • https://media-publications.bcg.com/BCG-Rapport-Net-Zero.pdf
  • https://www.supagro.fr/ress-pepites/Opale/ServicesEco/co/ServicesEcosystemique.html
  • https://verra.org/
  • https://www.goldstandard.org/
  • https://www.gaiago.eu/
  • https://blog.riverse.io/la-contribution-carbone-volontaire-kesako-4c09f00c0c5f
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Aimery Cayol
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